À TOI, CHÈRE MÉDITERRANÉE
Ô, toi, mer bleue de la tranquillité
Qui ondules sans agressivité
Sur les bords de nos tempérés rivages
Dont peu d’entre eux sont encore sauvages,
Ô, toi, la Méditerranée femelle,
Je veux te dire de façon formelle
Combien l’hiver tes flots restent élégants
Sous les paquebots des fiers navigants,
Combien l’été, beauté, tu me fascines :
Au soleil, tu vaux toutes les piscines.
S’il vente, tu fais fuir les gondoliers
Mais vie tu donnes à de gracieux voiliers !
Tu te présentes maquillée d’écume
Qui en circonstance est pour toi coutume.
Ah ! si l’Océan est bien masculin
Et dans ses colères, pas bien malin,
Toi, toi ! la Méditerranée femelle,
Concilies petite vague jumelle
Avec sa sœur bien vive qui la suit
Tandis qu’un flâneur, des yeux, la poursuit
Ou qu’un enfant cherche à voir dans ton âme
Les douceurs et qualités d’une femme.
La mer, dit le poète, tu chériras,
Cela ne nous met pas dans l’embarras :
Pourrait-on t’oublier, sous les mouettes
Qui volent et crient et font leurs galipettes ?
Et quand à Nice, sur les ronds galets
Que tu projettes comme gringalets,
Pourrait-on t’oublier ? Et puis à Cannes
Face à la Croisette où tapent des cannes
C’est bien du sable que là tu étales
Avant que par reflux tu ne détales.
Quand tu es mer d’huile, tu nous apaises,
Nous avons envie de prendre nos aises
En nous exposant à l’onde d’amour
Qui nous caresse, ou, selon le jour,
Sur une chaise bleue de la Prom’nade…
Avant que ne surgisse une tornade.
Car, oui, au beau milieu de certains mois,
Tu le sais bien, tu entres en pleins émois,
Tu casses les restaurants de la plage,
Tout ce qui se trouve sur ton passage,
Tu craches au visage des promeneurs
Qui avec toi jouaient trop les crâneurs.
Tu te redresses, tu te virilises,
En le mâle Océan tu te déguises,
En tempête tu profites du vent
Qui se fait pour toi complice fervent ;
Tu poses pour la photo, cabotine !
Puis cesses ta comédie enfantine.
Tu redeviens mignonne sur nos bords,
Telle qu’on t’a toujours connue d’abord.
Reste ainsi, avec ton humeur changeante
Car tu es femme et cela nous enchante.
Christian Watine (février 2023)
CHEZ LA MARCHANDE DE RÊVE(S)
Conte poétique
– Bonjour, madame.
– Bonjour, monsieur. Que puis-je pour vous ?
– Tout ce que vous proposez… ça fait rêver.
– Je suis là pour ça, monsieur. Rêves de jour, rêves de nuit, jours de rêve, nuits de rêve, nuits de rêve avec lune. Aujourd’hui, pour trois rêves de nuit, par exemple, je vous offre les étoiles.
– Vous m’avez parlé de lune ! Je peux la voir ?
– Monsieur ! si je montrais tout à mes clients, ils n’auraient plus leur part de rêve.
– Oui, c’est vrai. Et des lunes de miel, vous en avez ?
– Vous avez de la chance, il m’en reste une. Mais pour l’avoir, il faut venir en couple.
– Ah bon ! Alors, je vais d’abord vous prendre un simple rêve, enfin je veux dire un rêve de couple.
– C’est un bon choix pour commencer. Mais permettez-moi de vous donner un petit conseil.
– Dites-moi.
– Je vous suggère de prendre une formule.
– Une formule ?
– Oui, et vous serez gagnant ! C’est-à-dire : rêve de couple, plus nuit de rêve avec étoile du berger pour madame, et taille de rêve de madame pour monsieur.
– Ah oui ! Mais je ne suis pas sûr d’en avoir les moyens.
– Monsieur, tous les hommes qui ont choisi cette formule ont adoré.
– Sûrement. Mais je ne suis pas sûr d’en avoir les moyens.
– Vous ne le regretterez pas, croyez-moi.
– Je vous crois, mais, comme je vous le disais, je ne suis pas sûr d’en avoir les moyens.
– Monsieur, quand on aime…
– … on ne compte pas, oui, c’est ce qu’on dit toujours… Ah ! vous me mettez la tête dans les étoiles.
– C’est mon cadeau de bienvenue. Mais décidez-vous vite avant qu’elles ne deviennent des étoiles filantes.
– Je peux faire un vœu ?
– Oui, bien sûr. Quel est-il ?
– Mais… un vœu, ça ne se dit pas !
Christian Watine (octobre 2018)
DE PROSAÏQUES ATTENTES
Elle sonne et sonne et sonne et sonne et sonne
Au magasin du petit horloger.
Perdant l’espoir de le voir en personne,
Elle alla regarder l’heure au clocher.
Il tarde et tarde et tarde et tarde et tarde
Devant la caisse en attendant son tour
Pour payer son petit pot de moutarde.
Perdant patience, il fait demi-tour.
Demain, demain, demain, demain
Il fera jour, dit l’aimable oculiste
À l’aveugle en quête d’un coup de main
Pour l’aider à voir un monde moins triste.
Pin-pon, pin-pon, pin-pon, pin-pon, pin-pon,
Hurle l’enfant rêvant d’être pompier
Tout en poussant son rouge camion
En attendant de se faire incendier.
Elle glisse, elle glisse et glisse et glisse !
Sa chute ne cessera donc jamais ?
La pente humide est si longue et si lisse !
« Où est, songe-elle, le bras que j’aimais ? »
Pan, pan ; pan, pan ; pan, pan ; pan, pan ; pan, pan.
Un coup dans l’encre, un coup sur la feuille.
Pan, pan ! Le fonctionnaire tue le temps
Car il faut bien remplir le portefeuille.
Bip, bip… « Un moment »… bip, bip… « Un moment ».…
« Tous vos correspondants sont occupés,
Veuillez rappeler ultérieurement. »
Mais ils ne sont jamais désoccupés.
Christian Watine (février 2025)
HALTE À LA VIOLENCE
Je suis contre ceux qui battent…
leur femme quand elle est froide,
le fer quand il est chaud,
le carton et les cartes au bistrot,
la chamade devant leur adversaire,
leur adversaire aux échecs,
les œufs en omelette et les blancs en neige,
le beurre comme ta sœur,
la viande pour l’attendrir,
la ligne tel un maçon,
le pavé comme un tas de galants,
la semelle cent sept ans,
leur tapis à leur balcon,
la breloque, et les records de l’inutilité,
l’eau, quand ce n’est pas l’air,
la mesure, le tambour et les oreilles,
des entrechats avec des escarpins,
le chien devant le lion, ou devant le loup,
leur coulpe à tout bout de champ,
et je suis contre ceux qui battent
la campagne.
Je suis aussi contre ceux qui...
fouettent la crème,
cassent les œufs,
flambent l’omelette au rhum,
brûlent la chandelle par les deux bouts,
pendent le linge,
tordent le coup aux idées reçues,
noient leur chagrin dans l’alcool,
tapent des pieds
et se donnent des coups de mains,
mordent la poussière,
tirent sur la ficelle,
jettent le manche après la cognée
et le bébé avec l’eau du bain,
violent un secret de Polichinelle,
fatiguent la salade,
et je suis enfin contre ceux qui
pincent sans rire.
Halte à la violence !
Christian Watine (décembre 2017, complété en novembre 2024)
L'ATTENTE
Je suis dans une atroce attente,
Celle d’une sérénité
M’apprenant l’immobilité
Et plus encore la détente.
Comment puis-je rester tranquille
Quand je suis dans l’incertitude
D’atteindre l’état de plénitude,
Avec l’esprit en bidonville ?
Mes doutes me rendent impatient,
Car d’attendre je désespère
Et du monde et de Dieu le Père.
Je suis à l’état de patient.
Un patient qui n’a plus d’espoir,
Qui n’a plus que l’inattendu
À présent pour unique dû
Dans son abîme le plus noir.
Mais je rejette le sommeil,
Car ne veux passer à la trappe
Si l’inattendu me rattrape
Pour m’offrir un peu de soleil.
Christian Watine (janvier 2025)
LA FEMME EN ROUGELa femme en rouge, sibylline, Que tout alentour illumine, A-t-elle un cœur, est-elle heureuse ? Est-elle seule ou amoureuse?
La femme en rouge, tout altière, Paraît vêtue comme héritière D'un pouvoir de fascination. Vers elle, c'est l'admiration.
La femme en rouge , élégante, Semble parfaite intrigante. Que fait-elle de ses journées ? De ses nuits ? Une idylle naît ?
La femme en rouge, mystérieuse, Est-elle songeuse ou rieuse ? A-t-elle un homme ou une femme Que d'amour-passion elle affame ?
La femme en rouge, elle nous touche, On l' approche et cherche sa bouche. A-t-elle un cœur, est-elle heureuse ? Est-elle seule ou amoureuse ?
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Christian Watine (2022)Tableau : Christian Watine (2022) LA NATURE ET LA CAMPAGNEOn s’enfonce dans le vert aux mille nuances Par des sentes en descente au milieu de bosquets, Quand un coup de collier selon les circonstances Est demandé pour atteindre de hauts bouquets.
La nature ne nous épargne pas l’effort Ici ou là, que l’on soit randonneur ou pas, À la recherche de source ou de chêne fort Il faut parfois en chemin durcir notre pas.
Mais quel plaisir de découvrir fleurs et oiseaux, Végétaux et animaux, genêts et lézards. Les sentiers ont une âme et les eaux leurs roseaux. La poésie est là, œuvre d’heureux hasards.
Le soleil et la pluie et le vent et les fleurs Échafaudent à l’unisson une vie d’amour Que tout observateur de la nature effleure En évitant l’aveuglement du contre-jour.
Hiboux, chouettes, faucons et autres rapaces, Papillons, cigales, abeilles et autres insectes, Mais aussi les ânes et poules de nos espaces, Constituent ces êtres vivants que l’on respecte.
Et les discrets parfums, les sons et la lumière Habitent notre campagne : la liberté ! Et l’on se plaît à s’imaginer en chaumière Au cœur d’une basse-cour en activité.
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Christian Watine (juin 2023)Photo : Christian Watine LE CARROUSELLe manège se met en branle Mû par un’ quelconque énergie Dans un rouge qui par magie Tapisse le fond qui s’ébranle. Les étalons déjà hennissent, Se cabrent et puis trottent et galopent, Semble-t-il qu’ils se télescopent, Ils sautent ; les sols en pâtissent.
Ils vont comme des chevaux fous, Et fous, les gamins qui les montent, Dans l’atroce peur qu’ils surmontent, Sans étriers ni garde-fou. Garçons et filles montent à cru, Tous avides d’adrénaline, Pierre, Paul, Jacques, Claudine, Aline, Jouissent d’un effroi accru,
Prenant des risques insensés, Ils ne tiennent plus l’encolure De leur monture à folle allure ; Ils seront bientôt expulsés. Les voici en train de voler Au-dessus d’un drôle de monde À la réponse vagabonde : « Je suis imaginaire. Olé ! »
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Christian Watine (octobre 2023)Tableau : Christian Watine (juin 2022) LES COULEURS DE LA VIE
Nous vivons ici où là parmi les couleurs.
Elles influencent toutes nos facultés,
Notre comportement et nos activités,
Nos émotions, nos euphories et nos douleurs.
Une palette infinie éveille nos sens.
Le vert nous calme ; l’écarlate nous excite ;
Le bleu séduit, à la sérénité incite,
Alors que blanc, non-couleur, réduit au silence.
Le jaune éblouissant, tel un soleil radieux,
Orangé parfois, symbolise la chaleur,
La luminosité, joie de vivre et du cœur :
Des ingrédients parfaits pour un bonheur précieux.
Les couleurs tissent en nous nombre d’émotions vives,
Elles nous enveloppent de quantités d’images
Éloignées des tristes pavés et des tapages,
Elles sont une palette où l’âme se ravive.
Nous rions jaune, nous voyons rouge, parfois,
Les couleurs parlent, sur soi, dans son intérieur,
Elles nous révèlent, fort colérique ou rieur,
Mélancolique, toujours humain toutefois.
Et quand au crépuscule souffle l’air du soir,
Nos rêves charmants nous font voir la vie en rose,
Tout comme dans un poème, loin de la prose,
Et chaque teinte est parfum tel d’un encensoir.
Christian Watine (2024)
LES DANSEUSES MATISSIENNES
Sur un fond d'un bleu outremer,
Sur un tapis d'un vert colline,
Elles vont, telles sur une mer
Ondulée, paisible et câline,
Toutes ces danseuses à peau rose,
En musique, nues et légères,
Qu'un rayon de soleil arrose
De ses nuances passagères,
Elles vont, en autant de figures,
Tout en grâce et sérénité,
Comme sous les meilleurs augures,
Révéler leur féminité.
La débauche de mouvements
Dans la ronde endiablée
Amène à l'étourdissement
Dans l'arène assemblée.
Les douces forces animées,
Centrifuges et là centripètes,
Des danseuses ô combien aimées,
On admire : on est poète !
Christian Watine (2022)
NATURE, NOTRE AMIEQuand on est né pour vivre joyeux dans l’air pur, Quand on aime la verdure, le bleu d’azur, Les arbres comme d’amicaux êtres vivants, Dans une harmonie, dans un accord émouvants, Comment ne pas vouloir se lever le matin Tôt pour jouir de ce cher et proche lointain ? Dans la danse langoureuse d’un grand nuage, Ou dans l’écorce d’un chêne vert, une image : Un mouton ? Dieu le Père ? Paréidolie Dans un concert de feuilles. Douce mélodie. Herbes sages, herbes folles, lavande au vent, Ton sol offert est notre complice fervent. Nature, toi qui fais naître les champs de fleurs Pour agrémenter la vie des oiseaux siffleurs, Nature, toi qui par tes pudiques broussailles Nous permet galipettes avant fiançailles, Sache que les vivants te veulent couronnée À chacune des quatre saisons de l’année. Au printemps, cerisiers fleuris et papillons Font surgir princes charmants et cendrillons ; En été, tu nous offres tes pins parasols Et tes nuits douces où l’on s’allonge sur tes sols Tandis que l’automne est un miroitement d’ocre Sous ta pluie nourricière abondante ou médiocre. En hiver, tu revêts tes collines d’hermine Ornant l’aurore d’une souriante mine. La fonte des neiges abreuve prés et prairies Grâce aux rivières comme autant de féeries. Elles renaissent, chantent, et tombent en cascades Quand le terrain propice amène aux bousculades. Un chapelet de jours nouveaux, d’espoirs, de vies Annonce le rêve qui comble nos envies. Quand on est né pour vivre joyeux dans l’air pur, Quand on aime la verdure, le bleu d’azur, Les arbres comme d’amicaux être vivants, Dans une harmonie, dans un accord émouvants, Comment ne pas vouloir se lever le matin Tôt pour jouir de ce cher et proche lointain ?
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Christian Watine (mai 2024)Photo : Christian Watine PARADOXALE ÉTERNITÉ
Elle attend son ami sous le grand peuplier
Tandis que son angoisse la fait se plier.
Arrive enfin son homme comme un bel été,
Dont le léger retard lui fut éternité.
Elle veut voir de leur amour cet enfant à naître
Car s’accroît l’instinct maternel qui la pénètre,
Et son visage est resplendissant de clarté,
Mais les mois d’attente encore sont éternité.
Elle soupire et, tendre, regarde son ami
Qui d’un subtil baiser la rassure à demi.
Elle est impatiente et, terrible cruauté,
Il mange sa bouche après une éternité.
Elle est heureuse, pleinement femme, et mère,
Mais un doute l’assaille, qui la rend amère :
Et si demain, abominable absurdité,
Ce bonheur ne pouvait pas être éternité ?!
Christian Watine (juillet 2024)
VERS SANS PIEDS ET VERRES À PIED
Trop de poésie tue la poésie, dit-on, mais que ne dit-on pas ?
Cela serait aussi vrai que les vers ont des syllabes et non des pieds.
Il est justement question de vers qui n’ont pas de pieds.
Normal, donc, pour des vers !
Avons-nous vu un ver, v, e, r, avec des pieds ?
À tout petits pieds alors, invisibles, inexistants.
Inexistants car un ver à pieds n’existe pas.
Un ver ne se déplace donc jamais à pied.
Ni en automobile.
Un verre à pied à vin est encore autre chose.
Il a deux « r » et un « e » et n’a pas de « s » à « pied ».
Les verres à pied à vin sont appelés à être emplis de vin.
Les verres à pied à vin sont couramment appelés des verres à vin à pied.
Qui deviennent souvent des verres de vin. À pied !
Mais ils ne se déplacent jamais à pied.
Ils ne se déplacent pas du tout.
Ils se portent.
Ils se portent au nez.
Ils se portent aux lèvres.
Aux lèvres de ceux qui les boivent.
Qui boivent leur contenu. Par métonymie.
Savoureusement. Peut-être jusqu’à la lie.
Et « la lie » suivi de « s » fait « la liesse ». Phonétiquement.
La liesse de tous ceux qui boivent.
De tous ceux qui boivent beaucoup.
Qui se déplacent alors à pied.
Comme leur verre.
Par mimétisme. Et par prudence.
Allons, prenons donc un verre !
Et tant pis si l’on ne prend pas un verre à pied !
L’important est de prendre son pied.
Et de s’amuser.
Comme dit Musset,
Que l’on soit avec son amant ou sa maîtresse,
« Qu’importe le flacon, pourvu qu’on ait l’ivresse. »
Christian Watine (novembre 2024)