BELLET
Sur une colline au-dessus de la ville de Nice,
Dans un sol en poudingue riche en sable et silice
Au milieu d’oliviers que tous les dieux bénissent,
La vigne apparait pleine d’ardeur et de malice.
Le soleil et l’eau lui apportent sa nourriture
Pour s’épanouir tel un joyau de la nature,
Soutenu par le vigneron qui travaille dur
Et ne ménage ni sa peine ni ses courbatures.
Parmi tous les cépages présents sur nos coteaux :
Le Braquet, la Folle noire, le Grenache, le Cinsault
Et le Rolle qu’on appelle aussi Vermentino
Produiront des blancs, rouges et rosés magistraux !
Tout au long de l’année, le plant est bichonné :
Au cœur de l’hiver il se fait faire une beauté,
Puis progressivement du printemps à l’été
Les cépages affinent leur belle personnalité.
À l’automne, les feuilles ont un joli ton doré,
Les plants sont décorés de beaux raisins sucrés.
Le vendangeur infatigable peut opérer
Et ramener jusqu’à la cave sa belle livrée.
Le viticulteur devient alors vigneron.
Soucieux de savoir ce que les baies donneront,
Directement en cuve ou pressées, c’est selon.
Dans la cave silencieuse les levures agiront.
Magicien qui transforme le sucre en alcool,
Le vigneron niçois maitrise l’art vinicole.
Il produit un vin dont les connaisseurs raffolent.
C’est le meilleur du monde, croyez-moi sur parole !
Michel Bordes
ÉLÉMENTS
Regarder l’océan, espérer l’infini.
Deviner le néant et chercher le fini.
Atteindre l’horizon d’un geste de la main,
Et perdre la raison par peur du lendemain.
S’évader dans le ciel, et suivre la lumière.
Trouver le logiciel pour devenir poussière.
Compter les particules qui emplissent l’univers,
Se sentir minuscule, seul au cœur de l’hiver.
Approcher le brasier, souffrir de la chaleur.
Rêver à un glacier pour calmer la douleur.
Méditer près du feu, maîtriser sa folie,
S’enfoncer peu à peu vers la mélancolie.
S’immerger dans la Terre et rechercher son centre.
Découvrir la matière qui compose son ventre.
Comprendre que la vie est issue du noyau,
Mais sentir le sursis de ce précieux joyau.
Michel Bordes
INTERFÉRENCES
J’aime à regarder le soleil
Qui lentement rejoint la mer,
Maudissant le temps qui balaye
Cette liaison trop éphémère.
Leur relation intemporelle,
Dans un Eden sur l’horizon,
Les mène jusqu’au septième ciel
Avant la funèbre oraison.
L’eau et le feu qui fusionnent
Avant que chacun d’eux n’expire :
L’astre qui a froid, qui frissonne ;
La mer qui a chaud, qui transpire.
L’amant, lui, rejoint sa compagne
Pour une relation impossible
Avec celle que le désir gagne
Mais refoule cette flamme indicible.
Comme cet amour compromis
Espéré pourtant chaque jour,
Les règles de l’astronomie
Sont bien les mêmes depuis toujours.
Michel Bordes
JE DESSINE...
Je dessine à l'encre bleue
La lumière qui brillait dans tes yeux
Je dessine à l'encre blanche
La robe que tu portais le dimanche
Je dessine à l'encre verte
La beauté de ta peau découverte
Je dessine à l'encre grise
Ces moments où l’avenir se brise
Je dessine à l'encre rose
Le marbre dans lequel tu reposes
Je dessine à l'encre noire
Ce que me réfléchit ton miroir
Michel Bordes (2024)
LE CHAMP DU FOUDans mon jardin virtuel, Je sens mille couleurs. Je vis dans l’irréel, Et vois beaucoup d’odeurs.
Je cueille une aubépine Aux vertus bénéfiques, Et me pique aux épines D’un rosier maléfique.
Muni d’un arrosoir Je nourris mes toxiques : La belladone noire, Le gui et les colchiques.
Mon carré de ricins Et de ciguës tachetées, Cultivés à dessein Pour parfumer mon thé.
| | Puis dans mon potager, Aconit, datura Sont à leur apogée Pour mon prochain repas.
Avant de me lancer Dans ce plat raffiné Aux couleurs violacées, Je m’en vais musarder.
Je suis un peu rêveur, Je laisse aller mes pas, Et découvre une fleur Que je ne connais pas.
Elle me prend dans ses bras, Et puis elle m’engloutit. C’est une Drosera Qui a bon appétit…
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Michel Bordes NE PAS OUBLIERIl fait froid dehors Il fait froid dedans Blessé est mon cœur Glacé est mon sang
Monter dans un train Souffrir du manque d’air Inconnu destin Le débarcadère
À gauche ou à droite La vie ou la mort La marge est étroite La vie et la mort
Familles séparées Un enfant qui pleure Être désemparé Devant tant d’horreur
Travailler très dur Marcher dans la boue Proche de la rupture Mais rester debout
Un quignon de pain Pour tenir le coup Jusqu’au lendemain Ce n’est pas beaucoup
Non ne plus penser Il nous faut tenir Toujours avancer Pour ne pas mourir
| | Et puis cette fumée Noire et odorante Les corps consumés Forte et obsédante
Se laisser aller Et se ressaisir Car s’abandonner C’est bien sûr mourir
Se lever encore Instinct de survie Approcher la mort Espérant la vie
Des êtres humains Face à leurs bourreaux Que sera demain Pour tous ces héros
Ils n’ont plus de nom Juste un numéro Pour ces nazillons N’être que des zéros
Ne pas oublier Tout peut revenir Tant d’Hommes sacrifiés Oui se souvenir
Il fait froid dehors Il fait froid dedans Blessé est mon cœur Glacé est mon sang
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Michel Bordes NOIR ET BLANC
Pourquoi parler de cheveux gris ?
Je les préfère en noir et blanc.
Ils sont ainsi plus élégants
Et représentent ce qu’est la vie.
En effet, le gris est bien triste
Alors que le blanc est si pur,
Associé au noir plus mature.
L’ensemble est un travail d’artiste.
Le cheveu blanc est plein d’espoir,
Il représente le temps qui passe
Et nous raconte avec classe
De beaux romans, de belles histoires.
Le cheveu noir est différent :
Il est aussi très expressif,
Mérite bien des superlatifs,
N’a pas la même notion du temps.
Leur alliance, leur association
Ne doivent jamais se moyenner.
À chacun sa voie pour former
Une bien belle composition.
Surtout ne pas les étouffer
Sous une couleur souvent étrange,
Ils ne supportent pas ce mélange,
Se sentiraient bien mal coiffés.
Ne changez rien à vos cheveux
Ils sont heureux de vivre ensemble.
Cette liberté qui vous ressemble,
Conservez-la, voilà mon vœu.
Michel Bordes (2022)
SONNET AUX ÉTOILES
Par une nuit d’été à l’éther transparent
J’observai notre ciel aussi loin que possible,
Espérant approcher un monde inaccessible :
La sœur de notre Terre, ou l’un de ses parents.
Cerner la vie dans cet univers sidérant
Est pour l’Homme un défi proche de l’impossible.
Parmi les planètes, très peu sont admissibles
Au développement d’un ordre cohérent.
Découvrir un astre qui ressemble à la Terre,
Possède une atmosphère et répond aux critères
Des lois de la physique ainsi bien définies :
Voilà mon rêve fou, comme vous, je suppose.
Car au fond de nous-mêmes, une question se pose :
Sommes-nous vraiment seuls dans ce monde infini ?
Michel Bordes
UNE GOUTTE D'EAU
Tout là-haut dans l’azur d’un soleil dérivant,
Au sein d’un cumulus bourgeonnant et rebelle,
Je suis une goutte d’eau délicate et belle
Continuellement ballotée par le vent.
Lasse de survivre en ce lieu vertigineux,
J’aspire à une ondée pour regagner la Terre.
Car oui, vous me manquez, je n’en fais pas mystère,
J’ai besoin de vivre en ce monde fabuleux :
Par-delà les ruisseaux et les fleuves et les mers,
Je veux couler à la fontaine de la vie
Pour m’offrir à toi qui bois cette eau à l’envi,
Et te délecte de ce bonheur éphémère.
Puis si un jour tu devais avoir de la peine,
J’inonderai tes yeux d’une larme discrète
Qui, sur ta joue, ruissellera en gouttelettes
Comme autant d’âpres souffrances que tu égrènes.
Alors seulement je pourrai m’évaporer,
Pour occuper l’infini de l’espace en somme.
Ne plus exister que dans le rêve des hommes
En brillant dans un bel arc-en-ciel coloré.
Michel Bordes